L’Instinct de Prédation chez le Chien de Famille : Comprendre, Canaliser et Valoriser un Héritage Ancestral
- accorddog
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Dernière mise à jour : il y a 5 jours
Le chien porte en lui un héritage qui remonte à ses ancêtres sauvages. Malgré plusieurs siècles de domestication, le chien demeure un carnivore opportuniste doté d’un instinct de prédation inscrit dans son ADN. Si l'instinct de prédation de votre chien est élevé et vous pose des problèmes au quotidien, ne cherchez pas à supprimer ce comportement, mais de le comprendre, de l’accompagner et surtout de le canaliser de manière sécurisée et constructive.

1. Pourquoi le chien domestique a toujours un instinct de prédation qui varie selon les individus ?
1.1 La loterie de la génétique
L’instinct de prédation trouve ses racines dans le loup, ancêtre commun à tous les chiens. Loin d’être une simple relique, cet instinct se manifeste à travers une séquence comportementale en plusieurs étapes :
La détection : Perception du mouvement, du bruit ou de l’odeur d’une proie.
L’identification : Focalisation sur la cible, posture figée, oreilles orientées et pupilles dilatées.
La poursuite : Course après la cible stimulée par le mouvement.
La capture : Tentative d’attraper la proie.
La morsure et le secouage : Moins fréquents chez les chiens domestiques, ces étapes visent à tuer la proie.
La consommation : Une phase importante souvent négligée pour comprendre comment satisfaire ce besoin inné.
Certaines races de chiens possèdent de façon innée des parties spécifiques de cette séquence, adaptées à leurs fonctions. Par exemple, les Berger Australien sont spécialisés dans la fixation et la poursuite, tandis que les Lévriers excellent dans la capture.
1.2 Quels sont les facteurs qui influencent l’instinct de prédation ?
1.2.1 Le rôle de la race ou des hasards de la génétique (y compris croisés, corniauds)
La prédisposition à certains comportements de chasse est souvent le fruit d’une sélection ciblée. Des races utilisées traditionnellement pour la chasse (comme les braques, beagles ou épagneuls) conservent des étapes de la séquence très marquées du comportement de prédation. À l’inverse, des chiens issus de croisements ou les fameux « corniauds » présentent une variabilité qui demande une approche individualisée. Des corniauds comme les chiens créoles de plusieurs générations sont souvent des chiens qui adorent chasser car la sélection naturelle a fait son œuvre : seuls survivent les plus téméraires, les plus rusés, les plus rapides pour attraper des aliments laissés par les humains ou des petites proies (crabes de terre, escargots, rongeurs, lézards...).
1.2.2 Le caractère de chaque chien est unique malgré des similitudes
Même au sein d’une même race, chaque chien développe une personnalité unique. Les tests comportementaux, bien que datant parfois des années 70, permettent d’entrevoir une tendance générale chez le chiot. Cependant, aucun test n’offre une certitude quant au degré d’expression de l’instinct de prédation chez chaque individu. Ainsi, comme dans le domaine de la chasse où la reconnaissance des aptitudes individuelles est primordiale, il est essentiel d’adapter l’éducation en onction de la singularité de chaque animal.
1.2.3 L’influence de l’environnement de vie et des expériences vécues
Les expériences vécues par le chien jouent un rôle crucial : un chien de famille souvent exposé à des cibles mobiles (oiseaux, chats, petits mammifères) développera instinctivement un comportement de poursuite. La répétition de ces actes réflexes et, parfois, le succès d’une tentative renforcent cet instinct, phénomène également observé chez des chiens de chasse en entraînement sur le terrain.
2. La prédation chez le chien : un instinct naturel qui peut être source d’ennui
Bien que naturel, cet instinct peut poser des problèmes dans les environnements domestiques ou urbains :
Tensions soudaines et brutales sur la laisse en présence d’une “proie” potentielle.
Poursuites des vélos, coureurs, trottinettes, voitures, camions, bus ou véhicules de tout type.
Poursuites incessantes des petits animaux (y compris en essayant de grimper dans les arbres…)
Fugues du jardin ou en promenade avec son lot de dangers (traversée de routes passantes, se perdre… 😊).
Excitation et frustration, souvent difficile à gérer pour le conducteur.
L’éducateur comportementaliste est souvent sollicité pour ce type de chien délicat à gérer en promenade : mon chien « tire », il ne « m’écoute pas », il me « fait tomber », c’est un « diable dehors ». Le but de l’intervention est de mettre alors en place des solutions pour améliorer la qualité de vie du chien et de son entourage.
3. Quelles solutions pour canaliser l’instinct de prédation de mon chien ?
3.1 Des activités de substitution à la chasse
Pour répondre à l’instinct de prédation sans risque, plusieurs activités contrôlées peuvent être mises en place :
- Jeux de poursuite : Lancer de balle ou frisbee pour satisfaire la poursuite, jeu du « rappel poursuite »
- Recherche olfactive : Stimulation mentale grâce au mantrailing ou aux jeux de détection.
- Sports canins : L'agility, le cani-vtt, la course à pied avec son chien, le treibball peuvent offrir une dépense physique utile pour renforcer la connivence entre le chien et son maître.
- Travail sur troupeau : c’est une activité avant tout pour les races de berger, notamment celles spécialisées dans la conduite de troupeaux. Attention, tous les chiens de conduite ont des capacités innées mais différentes (cf. mon article sur le Border Collie https://www.accorddog.fr/post/les-besoins-du-border-collie-en-éducation-et-l-intérêt-du-test-d-aptitude-naturelle-au-troupeau)
3.2 Des simulacres de chasse encadrés
La méthode la plus efficace consiste à organiser des simulacres de chasse structurés autour de mots de commande, du freinage sur longe et de récompenses alimentaires. Par exemple :
1. Conditionner le chien à des mots clés (ex. “STOP” ou “ATTEND”, « PSCHIIIT » pour le freinage, « REGARDE » pour l’observation calme à distance de la « proie »).
2. Récompenses alimentaires (en particulier le très intéressant) à la fin de l’activité simulée dans un Prey Dummy, des touffes d’herbes hautes ou créer un « arbre à saucisses » (des morceaux de knacki écrasés sur le tronc rugueux d’un arbre)
Ces activités permettent de satisfaire la séquence comportementale de prédation tout en évitant les risques, avec une phase de retour au calme essentielle pour son bien-être.
Je vous conseille la lecture du livre de Simone MUELLER : « Travailler le prédation ensemble » dont le titre donne la ligne directrice de mon propos.

4. Le contrôle des pulsions par le jeu permet de diminuer l’impulsivité naturelle du chien chasseur sur de la nourriture ou du mouvement
4.1 Travailler le rappel dans des situations variées pour le renforcer
Le rappel est un outil indispensable pour réduire les risques en extérieur. Il doit être pratiqué dans des environnements variés, incluant distractions et stimulations. On est donc à un niveau supérieur du rappel classique au club canin (pour la majorité des chiens de famille).
4.2 Renforcer la capacité d’écoute et le réflexe du regard du chien vers son humain
Les commandes telles que “LOOK” ou “TOUCHE” permettent de rediriger le regard du chien vers son maître, interrompant ainsi le début de la séquence prédatrice.
4.3 Pratiquer des exercices d’auto-contrôle
Des exercices comme “LAISSE” aident le chien à développer sa maîtrise, renforçant sa concentration et sa connexion avec son propriétaire.
Un chien chasseur n’est pas une fatalité, c’est une opportunité pour développer d’autres activités avec lui. Il faut donc le comprendre et pratiquer ensemble des activités adaptées. Un chien dont les besoins de poursuite et de chasse sont satisfaits sera équilibré, épanoui et bien intégré dans son environnement. J’ai toujours constaté que ceux qui considèrent leur chien comme un partenaire et non une peluche créent une relation qui permet de dépasser les difficultés rencontrées. 😊
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